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Jacques Brianti
30 janvier 2011

JACQUES BRIANTI : LE CITOYEN PLASTIQUE

Se promener dans la peinture de Jacques Brianti, c’est d’abord accepter un voyage total, nommé et innommable, mais c’est aussi oser traverser le fragmentaire pour des visions d’ensembles entre l’éphémère et le monumental, le goût de la série et le rejet du « presque pareil ». Ici, nous sommes autant dans l’urgence promise à la fulgurance que dans l’exploration lente d’un long cheminement, essayant d’abolir la durée et d’embrasser dans une fusion polysémique l’hétérogène et le dense, la couleur et le grain, le doute et l’affirmation comme projet de rencontre et de partage avec le visiteur. Celui-ci, devant le savant labyrinthe des œuvres exposées, est sommé non seulement de se souvenir et de dater sa critique, mais aussi de prendre part, sinon de prendre parti. Il est invité à investir l’espace d’une sorte de « poésie muette », un ut pictura poesis inversé qui dialoguerait avec le déchirement de la chose manuscrite et celui de l’Histoire, celui d’une nouvelle carte exubérante dont les contours dessinent une plastique néobaroque où l’autobiographique n’est là que pour souligner l’identité de son propre engagement d’artiste citoyen. Tout se passe en effet comme si le peintre voulait archiver le futur, activer la somme pour des résultats d’espérances, prenant à témoin des lieux géographiques identifiables pour la scénographie d’une utopie souterraine, mystérieuse et consentie. A la fois continuum et ekphrasis de l’image, déroulés de plans imaginaires pour une existence intime et collective, la peinture de Jacques Brianti est une méthode de « référence/errance ».

Il y a par exemple une véritable jouissance esthétique à remuer avec lui les codes et le sens des supports, à interroger la raison de ses discontinuités et les dimensions de ses polyptyques, à accepter ses représentations profanes jaillies malgré elles et malgré lui du religieux. Joie aussi de se laisser glisser dans l’attraction des symboles et le surplomb de ruines mémorielles, le radical et l’ébauche, l’art aussi de la note sans acribie jetée sur un carnet pour l’intégrer au séisme plastique. Tout cela se superpose et cahote entre les rouges et la ferveur, non pour la célébration justement du chaos mais plutôt pour la quête d’une trace qui ne se veut jamais ultime mais lumineuse comme une délicatesse de l’écorchure sublime, une sorte de vie de la vue, vision chromatique de l’indomptable Chronos.

« Utor via » écrivait Cicéron. Si je suis le chemin, je suis donc celui qui l’est et qui le suit. Jamais le projet n’aura été aussi exact que pour Jacques Brianti. Nous sommes bien face à une œuvre tourmentée, mais jamais dans un face à face. Le visiteur accompagne la propre vision foisonnante et jubilatoire de celui qui mêle la volonté de l’onirisme à la violence de l’instantané. Dans la difformité de ses formats, nous entendons les mesures de son silence et nous acceptons mieux ses malicieuses redites, ses routes et ses impasses qui avancent et se croisent, célébrant souvent ses maîtres sans qu’il n’oublie jamais ses fraternités inconnues. Envahi par le chantier d’un inachevé permanent mais fidèle à la définition de notre « humaine présence », chacun peut alors rejoindre un territoire commun pour enfin accepter le tracé de ses propres frontières.

BRUNO RUIZ, Toulouse, le 31 décembre 2010

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