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Jacques Brianti
29 mai 2009

L'être de l'atelier (suite) Dispersion ...

chaises_27

L'être de l'atelier (suite)

Dispersion ...

Surpris agréablement, par le constat des premiers retours (de photos d'oeuvres, et les peintures qui me furent amenées pour de vrai!)... à l'occasion de ce « jeu de piste proposé les 15 et 16 mai » en mes ateliers à Pouzac, en tenant compte également des envois reçus par courrier postal et électronique !

Je ne peux rester indifférent à ce « jeu ». J'ai réalisé que certains travaux avaient déjà bien voyagé... les traces sont difficiles à remonter, les itinéraires sont brouillés. D'autant que je n'ai pas eu la mémoire ouverte pour certains, ignorant le premier acquéreur en amont. Il est vrai que je n'ai pas tenu de registre et parfois ce fut le travail d'un «  médiateur », c'est le mot que l'on emploie maintenant... J'ai aussi offert, fait du troc aussi. Mais encore, il faut évoquer ces périodes du début où je me suis permis d'égarer des expositions!.... Par exemple celle qu'organisa C. Martinez, exposition qui avait tourné en région Provence dans quelques MJC et Comités d'Entreprises, nous n'avions pas de camion pour la rapatrier, elle fut stockée longtemps dans les coulisses du Théâtre Municipal d'Avignon, puis sous un praticable d'un des lieux d'agitation de l'été avignonais. Bref, je ne suis jamais allé la chercher... Celle-là, j'ai souvenir que c'étaient des huiles, sortes de « portraits de mains ». Il me plaît d'imaginer que ces mains hantent la région d'Avignon ! Il y a eu d'autres séries égarées pour toujours ! Autant d'oeuvres dispersées, ou perdues !...

Une question m'a été posée ce dimanche : y-a-t-il eu des oeuvres volées ? Réponse : peut-être ! Si ce n'est que je peux rajouter ce commentaire : une oeuvre achetée mais jamais payée, est-elle une oeuvre volée ?!!!...

Évoquant cette période de séjours répétés en Avignon, je pourrais mentionner la disparition violente de quelques « chaises humanisées », qui finirent dans le Rhône. C'était en 1974, à l'initiative encore de Christian M., photographe de talent, et c'est bon à savoir, né dans les Pyrénées/sic/

Invité dans le « temps » du Festival par le Conseil Culturel de la Ville, l'époque de Paul Puaux (pour ceux qui auraient oublié), j'avais montré une série de peintures et de sérigraphies, exposition précédemment présentée au Centre Culturel de l'Aérospatiale de Toulouse. Période  flamboyante de ces Comités d'Entreprises. Avec des animateurs militants de la Culture (celui en Arts plastiques était Ramon, frère de Cueco, lequel avait produit alors un texte très fort sur le statut de l'artiste... je dois l'avoir dans mes archives, pour moi il fait toujours référence).

L'exposition se tenait dans un local affecté aux activités d'arts plastiques de la Ville. Ce local vivait son dernier été, la rue des Limas était vouée à la reconstruction. De nombreuses entrées d'immeubles étaient déjà murées. Nous avions placé ces chaises (alors en papier blanc) devant certaines de ces entrées. Seuils de portes, bouches cousues ! 

L'année précédente j'avais fréquenté cette rue, ses habitants occupaient encore ces pas de portes,  pour les conversation de fin d'après-midi, en demande de fraîcheur, spectateurs amusés par la faune estivale en déambulation, qui ayant quitté les Lices, et cherchait une possible et problématique sortie des remparts, en quête d'un parking perdu et d'une voiture à récupérer.  Avignon et son théâtre de rue étant gravé dans les têtes, on allait voir ailleurs, au passage on verrait la moitié du pont, le « pont d'Avignon » bien sûr... l'Office avait fait son boulot. La danse en  rond avait eu lieu...

Des prédateurs allaient faire leur boulot (plutôt sale), dés le premier jour des chaises posées, ou du moins le soir, ces actes ne peuvent être consommés qu'en catimini. Quelques chaises  furent jetées dans le Rhône, des « guetteurs » nous le firent savoir . Colère ou réaction  douloureuse des derniers habitants ? Notre propos étant d'évidence, cela était possible. Mais il nous est apparu très vite, avec quelques éléments de preuve, que ces chaises de type « anthropomorphique » avaient dérangé la « promotorisation » !!! En tout cas elles avaient rempli leur fonction. Les chaises c'est bien connu n'ont pas à poser des questions ! Et encore moins donner leur sentiment. La matière de ces sculptures me laisse à penser qu'elles n'ont pas atteint l'Afrique !

MONO_Mirail_1984___1

Bien plus tard, douze ans environ, les sculptures de cette série connurent un même destin, ou du moins une maltraitance bien plus forte, puisqu'elles furent détruites, alors qu'elles étaient devenues pérennes au coeur d'une Université, par le fait même et la volonté des responsables de cette vénérable maison. Une seule sculpture fut sauvée du désastre, Serge Pey toujours en alerte a été le premier à m'avertir de cette agression. Dans le même temps, il avait mis hors des vandales « la chaise au miroir » ; cette dernière avait été exposée dans pas mal de lieux. Il faut dire aussi que ce fut la première pièce de la série, je me rappelle parfaitement de cette vision de chaise posée sur une table de mes ateliers à Ordizan, un pantalon de travail avait été jeté dessus, vision fugitive, image déformée, d'un corps possible, la chaise comme valeur étalon anthropométrique qui naturellement allait me conduire à cette série de « chaises anthropomorphes ». Pour faire plus simple, je n'ai jamais cru à la chaise vide, l'objet chaise m'a toujours donné à penser qu'avant ou après il y a toujours un cul qui va avec ! Au fait l'a t-il toujours dans son bureau ?  Serge réponds moi s.t.p. !

Nous évoquerons ce fait d'armes une autre fois, car je revendique cette proposition de type art public, qui avait pris sa place au coeur du Mirail, comme ayant été un aboutissement important dans mon parcours. Outre que la décision fut longue, parfois pénible et fastidieuse, controversée, mais  qui bénéficia de soutiens forts, et notamment en fin de parcours d'une voix prépondérante de Gérald Gassiot-Talabot, personnalité qui avait toute mon estime.

Promis! Un jour je développerais ce trajet, avec en mémoire la rencontre avec Joan Claret et ses désordres qui nous  manquent un peu dans cette période de formatage et de couleuvres dont certains se délectent... Un compromis, sorte de rattrapage a eu lieu depuis, réparation morale de l'Institution certes. Air connu du « Responsable mais non Coupable, ou vice versa ».

Cependant guère d'excuses à ceux qui ont mal agi.

Je vais essayer de rester dans le sujet qui nous préoccupe ce jour.

Les mutations d'oeuvres, leurs tribulations et la rupture de lieux et d'appartenance à compter de son lieu intime : l'atelier. Et la dépossession, question qui m'est souvent posée, mes réponses varient, /acte délibéré, donc pas de déchirement,/ mais aussi effacement des doutes sur les qualités et défauts,/ cela peut évoluer ! Surtout pour la partie « doutes »! Et heureusement...

.... hormis les oeuvres que l'on peut voir in situ, indécrochables comme les fresques ou les tableaux d'autel, où voit-on les oeuvres ? Dans les musées et les expositions. Elles sont donc dans des conditions d'accrochage et d'éclairage incomparables à ce qu'elles auraient été au xv° siècle. Par exemple, un tableau d'autel n'avait pas de public mais des fidèles qui ne pouvaient le voir que de loin, éclairé par la lumière tremblotante des cierges. L'important était la fonction de l'image, qu'elle soit là. Quand ce tableau d'autel est aujourd'hui placé sur les murs d'un musée, avec les « bons » éclairages, nous voyons l'objet de près. Les expositions temporaires ont cette même fonction de faire en sorte que nous soyons plus près des oeuvres d'art. Cependant, doit-on dire qu'on les voit mieux ? Je n'en suis pas sûr, mais je pense qu'on les voit autrement. On ne les voit certainement pas mieux en ce qui concerne la façon dont ces oeuvres étaient aimées par rapport à leur fonction d'objet de culte pour la société de l'époque. Je pense ici à la Maestà de Duccio, dont le transport à la cathédrale de Sienne en 1307 a été l'occasion de trois jours de fête dans toute la ville. Les habitants ont accompagné en cortège l'immense Maestà, depuis l'atelier du  peintre jusqu'à la cathédrale. On ne pourra jamais reproduire l'enthousiasme de toute une cité pour le grand tableau de son meilleur peintre » ... ( Daniel Arasse Histoires de peintures folioessais) 

Aujourd'hui, la circulation des oeuvres d'un lieu à l'autre, plus encore d'une personne à une autre, relève d'un  autre type de transfert, mais l'on peut supposer qu'elle suscite des mêmes engouements, même effervescence ! Attention, c'est aussi une question... Pour ne rien vous cacher, je viens de connaître un petit isolement forcé, et durant ces 7 jours, j'ai relu entre autres, des écrits de Daniel Arasse, que du bonheur, c'est en partie des éléments de réponses à ce jeu de piste entrepris ! Des éléments pour alimenter et enrichir ce débat, les effets de la mutation dans le passé et la manière anachronique dont sont vues les oeuvres aujourd'hui...

   En 1988/89, j'ai eu le plaisir et privilège de rencontrer Daniel Arasse à Florence, il a été un des premiers à me parler du Pontormo, avec simplicité et un certain brio. Il considéra téméraire la confronte que je proposais alors. Il aida ce projet et facilita mes séjours et recherches durant deux ans, j'ai bien l'intention de recentrer un peu ce travail qui m'absorba durant presque quatre années. Malheureusement il n'était plus en poste lors de l'inauguration de cet événement à la Villa Demidoff

La Dame, qui lui succéda (notoirement connue, je peux donner le nom à qui voudra savoir, cela n'a guère d'importance, on a bien le droit de louper des rencontres, au demeurant c'est une personne de qualité) refusa de s'intéresser à ce projet soutenu par son prédécesseur. Attitude assez fréquente dans les « Instituts ». Soyons indulgent, cela n'est pas toujours comme ça...  je n'ai pas d'éléments statistiques en la matière, simplement la diplomatie n'est pas toujours ce que l'on croit. Heureusement pour moi que tout était net du coté des italiens. Ils avaient décidé d'inaugurer l'exposition un 14 juillet, petit clin d'oeil. Cet été là, il y avait une belle programmation dans ce lieu, j'étais le seul artiste « étranger », en fait dans l'affiche, il y avait seulement mon prénom qui était français ! Donc ce 14 juillet, Madame la Directrice de l'Institut se devait d'être à Paris. Elle se défilait ou tout simplement défilait. Mon bonheur fut immense quand je sus que Dumas me déléguerait une Consule !... L'histoire a une suite qui figurera dans le récit du « Voyage à Pontormo ». Retenons notre souffle.

Par la suite j'ai suivi de loin les travaux de Daniel Arasse, et lu ses publications et surtout écouté ses ultimes chroniques sur France Culture avant sa disparition prématurée. Lisez donc ses ouvrages, il y a des érudits qui se font comprendre. Même quand ils ont été « directeurs »!      

A bientôt.

La sollicitation pour l'inventaire des travaux dispersés est maintenue, amplifiée. Faites le savoir. Il se pourrait, si la cueillette est conséquente que nous fassions vivre ce fonds. Dans des formes à inventer. Merci de votre aide J.B. 

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